Étant entendu qu’on ne peut créer une oeuvre d’art quelconque sans se frotter en permanence à d’autres artistes, sans se nourrir d’une part de leurs créations, je suis reconnaissant depuis toujours à une kyrielle d’écrivains, de chanteurs, de compositeurs, que j’ai plaisir à nommer ici, dans un petit espace qui tient tout à la fois du fourre-tout, de l’inventaire et du journal de bord. Éloge du temps présent, car rien ne dépasse le plaisir de découvrir un livre, un disque, derrière lesquels se trouve un nouvel artiste dont la voix ne ressemble pas tout à fait à celles que l’on connaît.
micah P. hinson
Jour de Noël 2022, un tsunami de coeur dont je sors vivant, et comme par hasard je viens de tomber sur une voix comme j’en ai rarement entendu dans ma vie : un Texan déjanté, qui a déjà eu sa petite heure de gloire, et qui publie l’album parfait. Il s’appelle Micah P.Hinson et l’album I lie to you. C’est noir, sombre, lunaire, solaire, addictif, passionnant, passionné, unique. Dès le 26 décembre, et chaque jour, j’écoute ces chansons crépusculaires, me rappelant d’où je reviens. J’ai appelé la Sécu, leur proposant un remboursement à mettre en place pour tout achat de ce disque, j’attends leur réponse.
meskerem mees
Elle est née à Gand, d’origine éthiopienne, et son premier disque est un ovni. Il s’intitule « Julius ».Une façon désarmante d’écrire des chansons, apparemment toutes simples, une façon désarmante de renouveler le folk ou le jazz. Aucune esbroufe, juste une voix (claire) et une guitare (enfantine). Parfois un violoncelle et ça suffit. Écoutez son premier disque qui vient de sortir, vous n’en reviendrez pas. Elle chante en anglais (heureusement pour nous) et sa popularité, partie de rien, monte, monte. Une révélation. Et quelqu’un qui aime les ânes ne peut pas être complètement mauvaise.
sylvain prudhomme
Je viens de découvrir et un livre et un homme doux, c’est une chance dans ce monde de brutes. Le livre s’intitule Par les routes, son auteur Sylvain Prudhomme. Le narrateur (Sacha, écrivain arrivé à la quarantaine), son ami l’autostoppeur (qu’il avait perdu de vue depuis leurs vingt ans) et Marie, la compagne de l’autostoppeur (qui n’a pas de prénom). Être là ou ne pas être là, c’est la question du livre. L’un des deux copains ne cesse de repartir sur les routes, en quête de rencontres, accroché à sa liberté, l’autre est dans la réalité quotidienne. Bon, ça c’est une forme de résumé, mais le plus important n’est pas là, l’important c’est le style, la musique. Tellement douce et vibrante qu’elle en est entêtante. Sylvain Prudhomme est en pleine décroissance narrative : il ne se passe presque rien dans son livre, et pourtant on n’a qu’une envie, celle de savoir jusqu’où iront ses personnages, tellement ils portent une part de nous. Magnifique et doux roman, à lire absolument pour retrouver goût à la vie.
leyla mc calla
Voici une chanteuse américaine d’origine haïtienne, que j’ai découverte il y a déjà quelque temps et qui commence à fidéliser un public en France. Elle a tout : le charme, le naturel, des chansons intemporelles qui sont un beau mélange entre le blues, la musique traditionnelle d’Haïti, celle de la Nouvelle-Orléans où elle habite désormais. Elle vient du classique, a longtemps tenu son violoncelle chevillé au corps, avant de le mélanger aux guitares et au banjo. Remarquez sur la photo que j’ai presque (presque) la même guitare qu’elle, ce qui est un signe. Découvrez son dernier disque, et puis vous en viendrez naturellement aux précédents. Elle chante aussi en créole, pour ajouter au plaisir. Indispensable.